L’avenir du cinéma n’est pas dans les films formatés hollywoodiens, n’est pas dans la surenchère d’effets spéciaux, n’est pas dans la « starification » à outrance.
L’avenir du cinéma est dans les voies parallèles, celles où l’œil de la caméra n’est pas vissé aux résultats nets, mais où il se porte, et porte un regard particulier sur le monde.
[article initialement paru sur le Cafard Cosmique]
Le Monsters de Gareth Edwards plonge un reporter photographe, chargé de ramener la (grande) fille du patron à bon port, des entrailles du Mexique jusqu’à la frontière américaine. Évidemment, cette mission n’est pas simple, car le pays est ravagé par les troupes américaines, en guerre contre d’énormes poulpes extra-terrestres qui ont élu domicile dans la jungle mexicaine (et dans d’autres régions du globe) et qui menacent l’intégrité des États-Unis.
À force de voir des films, on finit invariablement par éprouver une certaine lassitude. Les schémas narratifs se répètent. Les mises en scène se dupliquent. Les répliques sont interchangeables. C’est la vie. Il arrive de moins en moins qu’un film vous surprenne véritablement ; qu’un film vous emmène sur un chemin que vous n’aviez jamais ne serait-ce qu’entraperçu jusqu’à présent.
Monsters fait partie de ces films rares.
Un film, là encore, produit loin de la machine à rêves enrayée d’Hollywood.
J’ai envie de ne pas vous dévoiler davantage l’intrigue de Monsters. Déjà parce que je suis un peu fatigué et largement fainéant, aussi car il ne se passe pas grand chose dans Monsters (les spectateurs s’en plaignent d’ailleurs, qu’on s’y ennuie, que c’est une arnaque, que ça ne pète pas dans tous les sens, et qu’ils ont payé, m….., pour un film d’action et que voilà, quoi, zut, tout ça), mais surtout parce qu’il est toujours difficile de parler, sans réel recul, des films qui vous touchent.
Disons alors pour simplifier que Monsters est un anti-Guerre des mondes (celui de Steven Spielberg où on apprend que Dieu a éliminé les vilains envahisseurs car l’être humain est Bon et ne doit pas s’éteindre). Disons aussi qu’il évoque The Mist de Frank Darabont dans son traitement humain et social du film de monstres. Disons qu’il reflète sans lourdeur la condition latine – écho du film de Robert Rodriguez (le mur que tente de bâtir les méchants de Machete a été construit dans Monsters). Disons que Monsters est constamment dans l’implicite et jamais dans l’explicite. Disons bêtement que Monsters est peut-être (mais je me trompe souvent) l’un des plus beaux films de science-fiction qui soit.
La science-fiction, celle que j’aime, et que j’espère vous aimez encore un peu, n’est pas dans Avatar, elle est dans Monsters.
Parenthèse : Comme Robert Rodriguez, mais en plus extrême, Gareth Edwards prouve que le coût des effets spéciaux est l’une des plus grandes arnaques du cinéma moderne : 500 000 dollars de budget pour Monsters contre 132 millions pour La Guerre des Mondes. Amis cinéastes, regardez ce que fait Gareth Edwards avec un Laptop et arrêtez de débourser des fortunes pour des studios FX qui n’en rament pas une et plombent votre budget.
Avec son petit film, à l’allure de faux documentaire, de J’irai dormir chez vous au Mexique (with Aliens), bien aidé par son interprète principal Scoot McNairy, Gareth Edwards souligne que l’avenir du cinéma n’est pas dans les films formatés hollywoodiens, n’est pas dans la surenchère d’effets spéciaux, n’est pas dans la « starification » à outrance.
L’avenir du cinéma est dans les voies parallèles, celles où l’œil de la caméra n’est pas vissé aux résultats nets, mais où il se porte, et porte un regard particulier sur le monde.
Monsters n’est pas là pour créer des bénéfices à coups d’explosions pyrotechniques ; il est là pour partager des souvenirs avec ses spectateurs. Les souvenirs d’un voyage en Amérique Centrale, qui sera l’un des plus beaux que vous ferez de votre vie – et pour le simple prix d’une place de cinéma (sans supplément 3D).
A.K.