The Great Ecstasy of Robert Carmichael (Thomas Clay, 2005)

carmichaelLes premiers spectateurs concernés par des films comme All the Boys love Mandy Lane, Jennifer’s Body, The Lost, The Great Ecstasy of Robert Carmichael… sont justement les adolescents, qui éprouvent les mêmes craintes, les mêmes rancunes et la même violence intériorisée que les héros de ces films. Priver les adolescents de ces miroirs, c’est les priver de pistes pour explorer, décrypter et appréhender leur réalité.

[article initialement paru sur le Cafard Cosmique]

The Great Ecstasy of Robert Carmichael, de Thomas Clay, fait partie des films récents marquants et significatifs sur la violence adolescente.

The Great Ecstasy of Robert Carmichael
raconte le quotidien misérabiliste de plusieurs habitants de la ville côtière de New Haven, Grande-Bretagne. Parmi eux, Robert Carmichael, un adolescent amer et sans repères, mais à la différence du Ray Pye de The Lost, suiveur. Robert s’intègre dans un groupe d’adolescents violents et délaissés, dont le seul divertissement est la consommation de drogues et le viol communautaire.

On le voit, on a affaire à un film socialement difficile dans la tradition ennuyeuse du cinéma anglais (à la Ken Loach). Mais, à la différence de ses confrères, Thomas Clay déploie une mise en scène très fine, truffée de non-dits et fondée sur une complicité indirecte avec son audience – on appréciera (ou pas) la mise en parallèle de la déchéance de Robert avec l’invasion des troupes américaines en Irak.

On pourrait taxer The Great Ecstasy of Robert Carmichael de malsain et nauséeux, eu égard notamment à une scène finale assez éprouvante. Je préfère y voir de la part de Clay une volonté manifeste de rendre compte de l’absence de sens et de valeurs véhiculée par la société actuelle (notamment sur les adolescents, mais pas que). Si la violence du film, souvent hors-champ, peut paraître extrême, c’est parce que son réalisateur traite pleinement son sujet. Comme Chris Siverston, Thomas Clay filme une violence contenue, alimentée par les privations, les frustrations, et plus globalement par la difficulté à gérer les sentiments et les événements de l’adolescence.

The Great Ecstasy of Robert Carmichael a évidemment été mal reçu par une partie du public, la même qui milite pour des censures radicales telles que celle proposée en 2010 par le gouverneur Schwarzenegger. Une démarche animée d’intentions religieusement louables, mais vouée à l’échec. Dissimuler la réalité n’aide pas à y faire face. Les premiers spectateurs concernés par des films comme All the Boys love Mandy Lane, Jennifer’s Body, The Lost, The Great Ecstasy of Robert Carmichael… sont justement les adolescents, qui éprouvent les mêmes craintes, les mêmes rancunes et la même violence intériorisée que les héros de ces films. Priver les adolescents de ces miroirs, c’est les priver de pistes pour explorer, décrypter et appréhender leur réalité.
L’éducation d’un individu ne découle pas uniquement du cadre familial et social, elle passe aussi, et surtout, par le biais d’œuvres culturelles.

A.K.

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